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La Route du Crabe
12 janvier 2015

Izmir (2)

> Dernière soirée au cœur de la rive nord. Dernière cigarette au parfum de l’est de la Turquie, à l’arôme léger, au goût sec. Je vois ce qu’on voit presque partout dans les villes du monde, mais la densité urbaine donne ici l’impression d’être perpétuellement en contact avec la vie des autres : une fenêtre qui donne sur un salon allumée d’une lumière chaude, une porte vitrée sur une cuisine à l’éclairage trop froid, trop blanc, des ombres qui passent. Le skyline d’Izmir est plutôt chaotique ; même si la métropole pourrait se comparer à nos grandes villes, les nombreuses verticalités d’ici font dominer le sentiment d’être compacté.

Les vols des mouettes et goélands du début de soirée qu’on distingue à contre-jour d’un soleil couchant ne me font pas oublier que l’étendue marine égéenne s'engouffre dans la baie, juste à côté. Les vapör déglutissent les passagers qui rentrent du travail et dont je ne me lasse pas d’apprécier leur présence. Le thé ordonné à bord n’a pas vu son prix augmenté contrairement au reste de la vie ici. La traversée est revigorante, sous la pluie ou dans le vent d’une journée nuageuse. De l’autre côté, se cache une zone commerciale immense, labyrinthique, Kemeraltı, qui s'articule autour d’un caravansérail – Kızlarağası Han, rare monument préservé du 18e siècle –, et ses dédales renferment tout ce qu’on veut. Des placettes habitées par les tables des cafétérias ou des salons de thés, bornées par les mosquées, décorées par les fontaines en marbre et les réclames qui pullulent dans ce genre d’endroits.

Pourtant, celle qui fût appelée au 19e siècle "petit Paris" n'a pas une apparence si charmante. Hormis l'atmosphère qui doit rappeler la grande époque d'avant l'incendie de 1922, Izmir est bétonnée et orthogonale, dotée d'un urbanisme faussement homogène en front de mer. La ville soigne son patrimoine matériel, mais l'a perdu presque entièrement. La ville soigne son image économique et c'est cela qui compte dans notre monde. Il nous reste qu'à apprécier le bon goût des gens d'ici pour la pleine vie en soirée. <

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