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La Route du Crabe
26 août 2023

Une nuit de transition

Le retour en pleine nuit vers notre point de départ du midi, l'embarcadère du chantier naval d'Üçagiz et son terre-plein qui éprouve un soleil perpétuel, prend un caractère quasiment onirique. Notre jeune conducteur guide sa barque motorisée sans broncher, nous contournons les îlots rocheux de Simena qu'il éclaire de temps à autre de sa puissante lampe-torche. Notre silence en dit long sur la qualité de la contemplation du moment : une lune au trois-quart, des étoiles par centaine, une mer noire qui file de chaque côté et les contours rocheux qui se dessinent au fur et à mesure que nous avanons. Les lumières de Simena, l'ombre de Kekova disparaissent au moment de franchir le passage qui protège la rade du port d'Üçagiz, droit devant. Quelques derniers éclats de lampe-torche, la barque prend vers la droite, la nuit est belle et les paysages sont mystérieusement envoûtants. Nous débarquons sur le même ponton, plaquons nos bagages dans le coffre avant de grimper dans la voiture pour se lancer vers Antalya.

Le bourg d'Üçagiz passé – celui que j'avais découvert il y plus de dix ans pour y garer ma voiture de location et continuer l'escapade à pied –, on suit Kaleüçağız Köyü Yolu pour rejoindre la bifurquation à Çevreli. Le temps de percevoir la beauté nocturne qui se dérobe dans mon rétroviseur et nous croisons la seule âme vivante du coin, un âne imperturbable qui longe le bas-côté ; légère embardée pour doubler la bestiole. La route à destination de la D400 semble belle, presque sauvage par endroit. Peut-être qu'il faudrait y revenir de jour. Les lumières de Demre et l'agitation de Kömürlük Caddesi, puis la lagune de Beymelek, point de repère évident à chaque escapade dans les parages. A l'arrière, les passagers dorment dans une moiteur que la climatisation peine à réguler. A l'avant, la seule radio convenable a été zappée trop vite. Jeu de plein-phare et de feu de route sur les virages en lacets qui nous tirent jusqu'à Finike. Je connais trop bien ce qu'il me reste à faire une fois la longue baie de Finike franchie : bifurquer à Kumluca et remonter dans les montagnes qui veillent sur Adrasan, Çıralı, Tekirova, Çamyuva, Kemer.

Je croyais nécessaire de m'arrêter pour un thé, une cigarette et un bol d'air avant d'entrer dans l'agglomération grouillante d'Antalya. Mais c'est fait directement en presque quatre heures de route jusqu'à l'appartement familial de J. que nous déposons en proposant un nouveau rendez-vous dans la folie urbaine qui maintenant nous enveloppe.

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