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La Route du Crabe
20 juin 2018

Antalya, le retour

> Accablé par une chaleur qui épargne seulement les locaux, je rate Dalyan, les vestiges de Kaunos qu'évoquait l'historien Hérodote et ces tombes troglodytes de style hellénistique, cette rivière qui mène à Iztuzu, l’une des plages les plus étendues du coin. Une autre fois sans doute, putain n’empêche que le triptyque Dalyan/Kabak/Simena me semblait indispensable pour embrasser une fois de plus l’âme méditerranéenne. Le premier vrai trajet digne de ce nom pour nous trois ensemble : 6h00 pour atteindre la gare routière d’Antalya ; c’est sans doute la joie de revoir ses grands-parents qui a fait tenir notre petit homme avec vaillance et patience. Des orages ponctuent l’itinéraire. La pluie d’été fond sur nous et pourtant la température va grimper bientôt, on le sait. La ville a-t-elle changé ? Le keyif, qui prolonge le petit-déjeuner sur la terrasse, sera-t-il le même ? Quand irons-nous à la mer et sur quelle plage ? Descendrons-nous sur Kaleiçi avant le week-end ? Les Turcs vont-ils voter autrement dimanche prochain ? Que choisir entre Adrasan ou Olympos ? Aurai-je la force de tout oublier, le travail, les soucis, les maux de tête, la tension de vivre et les abjections de ma société qui me désintègre insidieusement. Pause : les soirs sont magiquement bruyants, les nuits sont agréablement animées, comme toujours sous ces latitudes. <

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19 juin 2018

Selimiye surprenante

> En contournant le centre par cette ligne droite qui pousse vers d’autres hôtels et pensions aux charmes aléatoires, pouvions-nous imaginer de quoi était faite cette excroissance que je résumais à une bourgade… Ici les yachts et les voiliers se concurrencent amarrés aux pontons qui logent les terrasses des restaurants et bars. Rien de trop abrutissant, la communauté de vie d’ici est turque, connaît la préciosité des choses et a un certain goût pour le balnéaire. J’apprends que le coin est devenu le nouveau spot chic/cool de la jeunesse privilégiée. Rien à voir avec Marmaris qui s’étend grassement sur le littoral à une heure d’ici. L’ambiance des ampoules et des abat-jours suspendus qui illuminent avec parcimonie les tables et les fauteuils fonctionne à merveille. Je retrouve cette sensation de la balade en famille sur le « paseo » d’antan à Piles, mais c'est moi le père maintenant. Pour les besoins d’un enfant très attiré par l’eau, les serveurs posent notre table sur les galets à distance des autres mais à côté des vaguelettes qui sonnent le coucher du soleil, serviabilité intacte même dans cette endroit sophistiqué. Le golfe de Selimiye fut jadis une retraite des pirates qui se ruaient sur les navires du commerce levantin. Notre fils se prend à découvrir la joie de s’inventer une autre vie, celle d’un pirate qui a caché son trésor ici ou là. Nous rentrons vers notre abri, la nuit est tiède. Les moustiques vont pouvoir effrayer M. <

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19 juin 2018

Excursion dans les parages

> Pour moi, le rythme est lancé, égoïste que je suis… On apprécie cette pause dans ce qui semble une bourgade ce matin. Face à nous, un salon de jardin en fer forgé dans la mer à notre guise, une ligne de montagnes cassée par quelques îlots rocheux de ci de là et un temps lourd que pousse un orage. Notre fils vit pour la première fois cet étrange phénomène électrique. Le gris sombre est venu de derrière la maison à travers les reliefs, s’est agrippé dessus et a continué sa marche funèbre sur le trait de côte d’en face, nous sommes bien entourés mais trop près du niveau 0 des cartes pour le subir complètement.

Direction Datça puisque le soleil fait un peu la gueule. Premier jour où je me nourris des paysages traversés finalement plus forts que je ne l’avais pensé. La route frayée dans une presqu’île composée de dénivelés, d’isthmes rocailleux et de concentrations végétales est longue. On branche notre musique. Et on privilégie la vieille ville en hauteur au balnéaire. Knidos est à quelques kilomètres, mais la voie qui y mène requiert une heure de voiture. Tant pis, je goûte encore la saveur de la déception et maintenant que j’écris tout cela, je comprends que nous ne sommes plus ce qu’il faut être dans ce monde : l’exigence que nous développons pour se sentir libres, pour apprécier les choses est diamétralement opposée au plaisir que nous recherchons ; la soif de disposer instantanément a taclé la faim de profiter simplement. Je trouverai le temps de conjurer les esprits des Cnidiens une autre fois. <

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18 juin 2018

Selimiye, la tranquille

> Le flair est nécessaire dans ce type d’excursion avec pour seule garantie une voiture louée. N. a senti qu’il fallait glisser vers la péninsule de Bozburun, pourquoi pas pousser jusqu’à Söğütköy et plus loin pour voir s’il existe un spot plus intime, plus dans l’esprit qu’on se faisait du coin, sans rien savoir… La route côtière révèle régulièrement des panoramas vertigineux, mais je crois n’avoir pas pris le temps de regarder les paysages durant cette première journée, l’objectif était de trouver enfin un lieu pour dîner et dormir agréablement. Détours, retours, criques sans plage, plages sans sable, abords charmants mais inadaptés selon ce qu'on peut voir, baraques incroyables et bâtisses modestes, nous ne connaissons rien ici, nous sommes à la merci de la chance. On se met d’accord pour cette chambre à l’entrée de Selimiye, le jardin et les chaises longues sur la petite plage m’ont convaincu : cette deuxième foutue journée se finira dans l’eau, tous ensemble et devant un repas accompagné des cigales. Poser sa rage, poser ses doutes, détendre ses nerfs et son sang, reposer sa tête sur les cuisses d’une femme aimée, fumer la cigarette à côté de la chambre où dort son enfant, mais dehors dominé par les étoiles et entouré par les montagnes. Tourner le dos au Dodécanèse, brisé et heureux. <

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17 juin 2018

Au commencement, le chaos

> Partir sur un coup de tête, ça fait partie de mes habitudes. L’empressement ne laisse aucun temps pour douter de son organisation, se prendre la tête et il confère au départ des allures d’aventures. Virée à Paris qui se complique quand il s’agit de trouver le bâtiment où est organisé le vote de l’élection présidentielle turque… Déjà usés sur les trottoirs qui nous mènent à Denfert, ce n’est que le début, mon ami… L’avion prend son envol au coucher du soleil parisien, notre fils va pouvoir dormir relativement tranquillement sans savoir que l’épreuve se prolongera. La chaleur résiduelle ressenti sur le tarmac de Milas ne suffit pas à se ragaillardir : il faut le bon plan taxi pour rejoindre Güllük et il est 3h40. Nous avons atterri au même endroit qu’il y a 2 ans. Mais nous dormirons dans une bâtisse médiocre. C’est la première fois que j’observe chez mon fils l’appréhension d’être nulle part ; il pleure pour rentrer à la maison. Au fil des jours qui suivront, je finirai par tenter l’explication que les maisons dans lesquelles nous passons sont toutes, un petit peu, les nôtres.

Déjeuner au soleil tapant, les clapotis de la mer qui annoncent quand même que la trêve commence pour nos esprits et nos cœurs. On échafaude les premiers plans à l’improviste. Le chaos va continuer et peser. L’insouciance est-elle une excuse à la pauvreté ? L’imprévisible coûte plus cher aujourd’hui qu’avant, mes illusions se perdent définitivement les unes après les autres. De plateforme multimodale en plateforme multimodale, on rejoint les gugusses de Marmaris, puis l’hôtel. Il n’est pas si loin du front de mer habité de toute part et de toute sorte. Je persiste à croire que le chaos n’est qu’un tunnel qui se passe facilement : aller sur la plage à la nuit tombée, offrir une glace au chocolat qui va peindre ses petites lèvres et s’assoir devant la douce écume, tous les deux, effacent tout le reste. J’achète ma première Tuborg 50 cl de l’année, des cerises et je prie pour que demain nous délivre. <

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14 juin 2018

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