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La Route du Crabe
26 novembre 2010

En Commagène

> Me voilà allongé sur le lit d'un hôtel de luxe - Erdoba Evleri - au cœur de la vieille ville de Mardin. La chambre dispose d'un tapis rangé dans la table de chevet, d'un mini-bar malheureusement sans alcool, d'une salle de bain impeccable. Cette sobriété chic est-elle payée, offerte ou réquisitionnée par la Police avec qui je viens de passer toute ma soirée.

Tout voyage mérite un objectif géographique. Sans le savoir, le mien était Nemrut. Réveillé avant 6h00 du matin pour profiter de l'aube depuis la terrasse Est, jonchée de vestiges datant de plus de deux millénaires. Le froid de la nuit enveloppe encore les montagnes et progressivement, les premiers rayons irradient les sommets lointains et chassent les brumes matinales. La lumière glisse le long de toutes ces pentes caillouteuses et avec un plaisir brûlant, je la sens atteindre mon visage et cogner sur mon cuir. Spectacle éternel, seul face aux mondes naissants chaque matin de la même façon. Redescendu et après le petit-déjeuner, je prends le temps d'errer en voiture entre Nemrut et Kahta. Autre sanctuaire séleucide un peu moins haut, l'occasion de rencontrer Abucer que je dépanne en l'emmenant à la ville (petite mise au point nécessaire avant). Je prend aussi un vieux qui trainait non loin du pont romain. Abucer m'invite à voir Atatürk Baraji à quelques kilomètres de Kahta. Il en profite pour me raconter son histoire d'amour foireuse, la faute aux pères qui s'en sont mêlés... Les hommes d'ici expriment-ils un romantisme et une sensibilité plus facilement que les autres ? Je retrouve mon carnet de notes dans la première boutique de location de Kahta.

Dolmuş à destination d'Urfa pour 10 lira. J'apprécie aussi de ne pas conduire ; ce moyen de transport est définitivement une excellente idée. Je découvre, après la deuxième plus grande raffinerie de pétrole de Turquie, le site d'exploitation électrique du barrage d'Atatürk étendu sur des milliers de mètres. Autour de la retenue d'eau, on retrouve des paysages lunaires. Urfa est une ville dont je ne verrais rien, si ce n'est les embouteillages de la fin d'après-midi et les buildings tous identiques. Je zone encore dans un otogar avant de prendre le bus pour Kızıltepe. Il fait nuit quand je traverse cette ville bien fournie en pâtisseries et j'en salive. Transfert dans un dolmuş, départ pour Mardin. Arrivée au bout de la ville moderne, en bas de la vieille cité qui nous surplombe, le conducteur du dolmuş me jette gentiment dehors et demande au gamin sur le trottoir de m'aider. On attrape un mini-bus pour aller là-haut. Repéré par tous les passagers, un adolescent me propose un hôtel qui me semble bien trop onéreux - Erdoba Evleri - et en descendant, je comprends mon énième étourderie : j'ai perdu mon sac de ville. Branle-bas de combat, le gamin m'amène à la Police. Ils se démèneront durant trois heures pour trouver un moyen de récupérer mon sac égaré dans le dolmuş. Questionné (plus qu'interrogé) par une gradée en civil, l'ambiance se détendra complètement et finira par une sympathie partagée. Pendant tout ce temps, une famille débarquera pour une affaire peut-être très sordide, mais que je n'aurai pas comprise ; j'aurai vu une dizaine de visages étonnés, curieux, aimables, intéressés et qui m'auront offert en une soirée une attention et une gentillesse inoubliable en plus du repas. Mes remerciements ne suffiront pas.  <

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