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La Route du Crabe
7 mai 2019

19h55, vol EJU7722

> Le sempiternel stress de déposer une voiture à l'agence de location après plusieurs jours de road-trip s'envole avant nous. Des files d'humains se croisent, les uns débarquant, les autres rentrant chez eux. Nous sommes trois à bien connaître et se débrouiller de l'agitation permanente des aéroports. Avec un peu de retard, nous survolons Catania. Puis le sommet noir de l'Etna apparaît à travers les nuages comme un aileron de requin dans une mer colorée des derniers rayons du soleil. Tous les passagers de gauche se ravissent du spectacle, nous essayons de le partager aux passagers de droite. La nuit va tomber en plein ciel méditerranéen. Nous reparlerons des volcans bientôt... <

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7 mai 2019

Siracusa, éclat de la fin

> Notre timing n'est pas chargé, il suffit de quitter Siracusa vers 16h00 pour atteindre l'aéroport de Catania, rendre la voiture dans les délais en croisant les doigts jusqu'au bout, embarquer et revoir l'Etna. Prenons notre temps pour errer encore vers l'entrée de l'île occupée par un marché méditerranéen authentique entre le temple d'Apollon et le Porto Piccolo, jusqu'à la fontaine de Diane/Arthémis (1906) de la Piazza Archimede, de Lungomare Alfeo au Castello Maniace qui sert de vigie de grès à la pointe extrême de l'île, parfois à la recherche du bon plan pour donner à manger à M., de cette esplanade légèrement fréquentée à la plage de Lungomare d'Ortigia sur laquelle nous sacrifions au même plaisir que les riverains en se posant dans le sable bercé par les clapotis de l'eau sur les roches environnantes, dans les boutiques de mode et d'inspiration locale à la Piazza Duomo. Notre regard se perd dans les corniches des balcons en fer forgé, dans les cours intérieures et les ruelles enchevêtrées, notre âme s'amourache doucement de Siracusa. Bien sûr, nous ne sommes pas dupés par l'effet du "hors saison" et concevons que cette ville doit se transformer en probable purgatoire quand les files de touristes s'en emparent. L'île dissimule toutefois des quartiers paisibles sur sa frange orientale moins réhabilitée, sans beaucoup de commerces et d'animations ; nous pouvons prétendre que cet ancien quartier arabe (Mastrarua) offrent quel que soit le mois de l'année un repli bienveillant. C'est depuis ce côté-là que nous reprenons la direction de notre voiture ; on s'offre un dernier café non loin de Talete, comme pour prolonger le plus possible cette journée. On oublie volontairement le site archéologique de Neapolis, la ville moderne, les Latomies et beaucoup d'autres choses moins contemplatives, car nous sentons inconsciemment que nous reviendrons. <

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6 mai 2019

Isola di Ortigia

> Sa renommée doit venir d'abord de sa singularité géographique. Et aussi de la jalousie des Athéniens qui tentèrent en vain de la détruire, de la venue de Platon à la demande du tyran Denus l'Ancien, du mathématicien et ingénieur Archimède qui y vécut au 3e siècle avant notre ère, de Cicéron qui s'en émerveillait il y a plus de deux mille années, du martyre de Lucie brûlée vive par les Romains vers 302-303 dont l'enterrement sera peint par Caravage en 1608, de sa renaissance architecturale baroque après le tremblement de terre de 1693... Sour-ha-Koussim, selon les Phéniciens, a de quoi impressionner. Dans l'après-midi, sans tout à fait en être sûr, nous pénétrons dans l'Isola di Ortigia pour ne plus en ressortir intacts. Notre hôte a conseillé de se garer Parcheggio Talete. Les véhicules des riverains sont privilégiés. Nous débarquons nos valises sous un impeccable soleil et suivons la direction de la résidence Damarete au 73 via G. B. Alagona. L'appartement qu'on nous propose nous revigore tous : on se débarbouille confortablement, M. dessine, on range un peu nos affaires et envisageons la suite : il nous reste une journée et demie pour découvrir cette dernier point de chute.

Nous suivons le rivage, là commence la mer Ionienne. On bifurque dans la Via Capodieci que nous emprunterons encore quelques fois. Aboutissons de l'autre côté de l'île, nous ne saisissons pas le symbole qu'est la Fonte Aretusa bordée de papyrus — une source en partie cause de la fortune de la ville — et nous nous écartons des panoramas sur l'aiguade pour rejoindre les rues intérieures et la Piazza Duomo. Le synchrétisme architectural est saisissant : des colonnes doriques du pérystile du temple d'Athéna ont été conservées dans le flanc gauche de la cathédrale. L'ambiance générale et l'apaisement du dernier soir avant le départ, nous goûtons le plaisir de prendre un apéritif au vin comme les locaux dans la cour du cossu Cortile Verga. Les vins rouges (Caltanissetta) sont fameux. La nuit tombe et nos verres reflètent les nombreuses bougies. Notre soirée défile des nobles immeubles vers la Via Capodieci. L'espoir d'une meilleure nuit pour nous tous l'anime. <

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6 mai 2019

Agrigento / Valle dei Templi

> Dans la rue principale de Porto Empedocle, une brise souffle et le soleil semble plus déterminé. Nous le méritions, il me semble. Le temps du petit-déjeuner me laisse le temps de réfléchir à la possibilité que ce port à la fois charmant et repoussant, à quelques milles des côtes tunisiennes et face à la Lybie, précisément à Tripoli, soit le théâtre sordide d’une histoire de migrants. Les silhouettes aperçues des bateaux à quai, le terminal portuaire reconnu, il faut se rappeler qu’ici existe une ligne régulière pour Lampedusa. La Sicile regorge de destins maudits, cela ne fait aucun doute. Les esprits des dieux antiques doivent se lasser du défilement continu des nouveaux Ulysses. Je lirai plus tard que les croisiéristes intègrent ce port dans leur circuit, une escale culturelle.

Akrágas, colonie grecque fondée sur un promontoire exceptionnel au 6e siècle avant notre ère et qui devient une métropole antique de 200 000 âmes, selon les sources. La Ville d’Agrigente et son territoire était alors une des plus heureuses habitations qu’il y eut au monde [...] Les vignes y étaient d’une beauté et d’une hauteur extraordinaire ; mais la plus grande partie du pays était couverte d’oliviers, qui donnaient une quantité prodigieuse d’olives, qu’on portait vendre à Carthage, écrivait l'illustre chroniqueur Diodore de Sicile. Les accès aux fameux sites grecs pourraient faire peur : les files d’attente grossissent, les entrées ont l’air démultipliées ; il faut choisir ou trouver la bonne sans perdre trop de temps en voiture. On frôle la ville moderne avant de remonter sur une colline d’oliviers et d’arbustes divers. Nous espérons un voyage dans le temps en parcourant les temples doriques dont l'élévation provient d'une anastylose précoce ou leurs vestiges : Temple D ; Temple F l'un des trois mieux conservés du monde et sa monumentale statue en bronze d'Igor Mitoraj représentant Icare à terre et que nous immortalisons tous charmés par l'effet voulu de perspective ; la nécropole ; Temple A dédié à Héraclès ; Temple B (Olympiéion) dont se perçoit seulement l'échelle titanesque grâce aux ruines gisantes. Plutôt rassassiés, nous nous contentons du parcours dans l'agora inférieure.

Posés dans le parc archéologique sur une terrasse animée par les coups de vent, il est temps de se préparer à la suite du voyage. Nous ne parcourerons pas Agrigento. Je visualise tant bien que mal l’itinéraire dans ma tête ; le plus simple est, à l’heure qu’il est, de passer par Catania et j’estime une arrivée vers 17h00 à Siracusa, ce que confirme le navigateur automobile. Nous aurons une journée pour profiter de cette dernière étape. Nous bouclerons la boucle vers 16h15 en revoyant l’aéroport, la silhouette de l’Etna et la masse urbaine à ses pieds. La poussière que nous laissons derrière nous me stimule… que j’aime aussi ces signes indistinctifs de l’itinérance. <

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5 mai 2019

Porto Empedocle

> Le long de ces lignes qui nous approchent de la mer, se devinent les ruines antiques qui dominent encore sur leur piédestal naturel et assemblé. Le trafic s'est densifié à l'approche d'Agrigento ; cela paraît, comme il est dit, un incontournable. Nous poursuivons en direction des falaises de marne — le mal-nommé "escalier des Turcs" pour enfoncer le clou de la vieille confusion entre sarrasins et turkmènes —. L'astre solaire n'est pas loin de se coucher, les touristes apparemment locaux ont quitté les lieux, il est aisé de se garer le long de la route. Première vision en plongée de ces roches sédimentaires. M. tousse énormément et calme sa température à l'ibuprofène acheté à Palermo. Nous réalisons à quel point il est facile et résistant. Le vent qui souffle lui donne le sourire, les rochers à escalader, le requin rouge en main, il s'aventure avec nous du bar lounge jusqu'au palissades qui interdisent de poursuivre. Pourtant, les clichés touristiques montrent bien des hordes sur les escaliers de marne. La nature est puissante, pas plus accueillante que la Manche, on ne s'y attendait pas.

Une imposante centrale électrique a été implantée sur la plage, elle dissimule un tour monumentale ancienne, autant dire que cela ne donne guère de bonnes impressions sur la ville. Il faut encore une fois rentrer dans la masse bâtie en espérant que les rues seront franchissables pour l’étranger que je suis. Nous passerons la nuit au 42 via La Porta. L’étroite rue cache un porche, il conduit à un escalier qui débouche sur la via Roma, l’artère paisible et élégante du site : restaurants, glaciers, arbres et statue, façades soignées d’édifices publics, badauds… Seulement en compagnie des propriétaires ou de proches, nous dégustons tranquillement notre dîner sous un plafond voûté de pierre ; nous fumons une cigarette en terrasse avec notre verre de vin en observant la nuit, le vent se lève. On nous offre un dessert. <

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5 mai 2019

SS181/SS189 en direction du sud

> Reprendre la route redonne du souffle, je me répète. Suivons un bitume calé entre des reliefs verdoyants ou parfois dépouillés, dont certains recouverts par une petite agglomération de bâtisses. Nous sommes tranquilles, presque seuls, hormis lorsque les travaux et les chicanes rapprochent les véhicules. A plusieurs reprises, je stoppe devant un feu rouge installé on ne sait pourquoi et un horizon vide. Peu n'obéit pas à la règle éphémère. Durant ces trois heures au moins, nous n'avons prévu aucune pause, sauf pour les commodités de tous et pour fumer avec un café. Nous avons réservé un Bed-&-Breakfast dans une bourgade entre Agrigento et le spot de Scala dei Turchi. L'idée serait de l'atteindre avant le coucher du soleil, puis de revenir sur nos pas pour la soirée. <

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5 mai 2019

Palermo, une matinée ensoleillée

> Un dimanche reste un jour à peu près comme les autres. Nous n'avons pas voulu partir trop vite, avons senti qu'il fallait encore s'orienter vers des quartiers inexplorés. Je souhaite visualiser la bâtisse où est né le père du cardinal Mazarin qui borde la Piazza Garraffello, c'est une ruine. Nous glissons vers la Piazza Marina, ses brocanteurs qui feront le bonheur de M. et ses gigantesques ficus magnolioides, aux longues racines aériennes. « Peut-être ma préférée, dit Alajmo, car c’est la plus chargée d’histoire : c’est sur elle que donnent certains des plus beaux palais de Palerme... C’est également ici que, le 12 mars 1909, a eu lieu le premier omicidio eccellente – un meurtre dû à la mafia et jamais élucidé : la victime était le policier italo-américain Joe Petrosino, venu de New York pour enquêter sur les rapports entre Cosa Nostra et la mafia italo-américaine ». Je revois le port de plaisance pendant que mes compagnons flanent encore parmi les vendeurs.

Le soleil nous a revigoré et nous suivons la promenade que longe le Foro Italico. Nous apercevons le rivage sans souhaiter nous y rendre. « C’est que Palerme a un rapport problématique avec la mer, explique Alajmo, et ça ne s’est pas amélioré avec le temps : les balcons des immeubles construits près du port dans les années 1960-1970 regardent vers le centre-ville... Déjà, l’écrivain Leonardo Sciascia avait remarqué que Palerme lui a tourné le dos. En vain, nous tentons de rentrer dans un bar à la mode installé dans un vieux palais. Petite pause dans ce quartier défraîchi de la Kalsa mais revigoré par des placettes que la jeunesse occupe. Ici toutes les contradictions se retrouvent. C’est une zone à très haute densité mafieuse. Au Monkey Pub, la boucle est bouclée et nous traversons une ultime fois cette fameuse via Roma dont le portrait ambigu s'explique peut-être car « une partie des boutiques sert en fait à blanchir l’argent sale, tandis que l’autre est rackettée ». Le soleil tape, un dernier regard sur le plan et ce que nous n'avons pas découvert, un dernier écart en solo vers le Palazzo dei Normanni, rapide car mes deux acolytes attendent. Le réservoir est plein d'essence, en route vers le sud, l'ouest attendra une prochaine fois, si jamais. <

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4 mai 2019

De la Renaissance aux façades décrépies

> Un portrait paru en 2008 dans Le Monde correspond au ressenti de nos trois journées à Palermo. L'écrivain Roberto Alajmo se veut le guide du reporter missionné pour un papier sur ce haut lieu touristique sicilien.

Décoré par quatre fontaines baroques, le croisement entre le Corso Vittorio Emanuele... et la via Maqueda marque la jonction entre les quatre quartiers historiques de Palerme : l’Albergheria, le Capo, la Loggia et la Kalsa. Derrière un des coins se trouve la Piazza Pretoria, dont le centre est occupé par les bassins concentriques de la fontaine dite delle Vergogne (de la Honte), en raison des statues de nymphes un peu trop dénudées aux yeux des pieux Palermitains du XVIe siècle. Derrière le Palazzo Pretorio, siège de la mairie, les petites églises de Santa Maria dell’Ammiraglio, surnommée la Martorana, et de San Cataldo illustrent à elles seules dix siècles d’histoire [Chiite, Normande, Catholique] de Palerme... « Ravagée par les bombardements alliés de mai 43, la Kalsa a été progressivement abandonnée par la bourgeoisie et l’aristocratie. Mais cela fait une quinzaine d’années que le centre historique connaît une certaine renaissance, quoique limitée en raison des obstacles bureaucratiques... Au cours des années 1960-1970, la vieille ville a été désertée, à la faveur des nouveaux quartiers résidentiels sans âme voulus par le maire de l’époque, Vito Ciancimino, pour moderniser la ville et rendre service à ses amis mafieux. Ainsi, le centre historique est devenu la proie des plus démunis et des immigrés. Aujourd’hui Palerme est l’une des seules grandes villes européennes où les pauvres vivent dans le centre-ville, et les riches en banlieue ». La renaissance de la Kalsa n’est en effet pas évidente : il faut s’aventurer dans ses ruelles pour découvrir, au détour d’un palais du XVIIIe en ruine, les bars à vin et autres cafés branchés qui attirent le soir les jeunes palermitains.

A la faveur d'éclaircies qui ont vaincu les nuages gavés, atteignant l'imposante cathédrale, nous bifurquons vers le Capo nettement moins fréquenté par les groupes touristiques. On devine un vivier de commerçants en tout genre dans des ruelles assombries qui mènent vers la via Maqueda et ses franchises internationales. La pause déjeuner n'est pas des plus réussies. L'orgueilleux Teatro Massimo pousse à nous frayer un chemin dans les rues descendantes jusqu'au Museo Antonia Salinas. Nous y reviendrons plus tard pour y contempler des collections archéologiques. Une autre birfurcation par la Piazza San Domenico, et nous découvrons ce fameux endroit de la Vucciria dans le quartier de la Loggia. « Malheureusement, la Vucciria n’est plus ce qu’elle était : trop de films, de téléfilms et de documentaires ont fini par en faire une caricature d’elle-même. C’est devenu une icône ». Il est temps de faire une pause à notre nouvel hôtel Moderno qui n'a pas tout à fait le nom le plus approprié. Notre voiture est garée à la Sicilienne en épi autour de la verdure de la Piazza Franco Franchi ; j'ai même osé activer le parcmètre. <

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3 mai 2019

La pluie arrivera à Palermo

> Je ne m'imagine même plus ce stress passé à entrer dans une ville méditerranéenne inconnue sans un système de navigation embarqué, notre gestion du temps était-elle si différente avant le géo-positionnement ? Nous y voilà dans le dédale de la capitale sicilienne à la recherche du centre, d'un stationnement facile et au mieux non payant, avec deux adresses d'hôtels en poche. Notre première impression est chaotique. Garons-nous et démerdons-nous sans voiture.

Au bout d'un troisième passage vers la Piazza XIII Vittime, nous filons le long de la mer, croisons le port de plaisance et atteignons le Foro Italico Umberto I qui peut servir de base selon notre guide. A ce moment précis, on ne comprend rien à cette ville qui ne semble pas tournée sur la mer. Via Alloro offre un stationnement, il ne reste plus qu'à prolonger jusqu'à un bistrot qui nous offrira un abri : la pluie tombe sur les toits de Palermo. Nous engageons la recherche d'un hôtel devant un café pendant que M. dessine. Une proposition nous est faite, il faut se rendre sur place, donner rendez-vous à un ami du propriétaire Piazza Borsa, le suivre en voiture sans rien comprendre jusqu'à Piazza Sant'Onofrio. Mauvaise pioche et retour à la case départ. Abrités Piazza Rivoluzione, nous optons en sirotant une bière pour un vieil hôtel situé à quelques mètres dans un bâtiment cossu de la via Roma. S'amorce notre familiarisation avec le centre-ville. Le constat est simple, l'hôtel Italia affiche un style résolument vintage qui s'accompagne d'un service vintage, de mobiliers classieux démodés, d'huisseries de bois d'un autre siècle et d'un balcon au 5e étage qui domine une artère urbaine déclassée. Je trouve que tout cela a un goût de La Havane bien que je n'y sois jamais allé. Une impression de beauté détruite plane ici, c'est ce que je retiens en fumant ma dernière cigarette du jour face aux fenêtres encore éclairées qui m'encerclent. <

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2 mai 2019

Cefalù

> Quelle âme se ressent ici ! Cette découverte marquera indéniablement notre excursion, et bien qu'il s'agisse d'une destination touristique de renommée, nous ressentons un bien-être à filer de son cordon sablonneux aux ruelles intérieures. Surplombées par des terrasses grouillant de linges volants, dominées par la Rocca, nos têtes ne cessent d'osciller de droite à gauche, de bas en haut pour admirer les bâtiments et principalement les églises (Chiesa del Purgatorio, Chiesa di Maria Santissima della Catena, Chiesa di Santa Maria dell'Odigitria e San Giovanni Evangelista) ou les palais (Osterio Magno), les détails d'architecture tous plus soignés les uns que les autres. Nous vaquons à profiter de chaque placette, recoin ou panorama. Duomo di Cefalù est un édifice incroyable ; saisir dans la façade la trace de la conquête de l'île islamisée par les Normands alors christianisés, une histoire qui nous était quasi inconnue. Les mosaïques du chœur sont à couper le souffle. En face le Palazzo di Città, un bâtiment contemporain blanc de 1990 s'intègre à la perfection et démontre qu'il peut exister une communion entre l'ancien et le moderne. Posés sur le parapet du Bastione di Capo Marchiafava, nous contemplons le profil de deux îles de l'archipel volcanique déjà repéré. La pause le long de la digue : il s'agissait d'un village de pêcheurs, c'est la Porta Pescara que nous empruntons comme de dociles touristes qui incarne encore cette vocation. Le coucher du soleil teinte la ville.

Au retour de notre sorte de Bed-&-Breakfast, ou préférons l'expression en vogue Air B&B, l'errance se poursuit et s'acève près d'un lavoir dans la via XXV Novembre à déguster notre premier véritable plat de pates italiennes faites maison, une vieille institution semble-t-il. La nuit est tombée. Nous comprenons les avantages de l'hors-saison. M. a de la fièvre et tousse de plus en plus, nous ne savons pas où nous dormirons demain à Palermo, on improvisera encore. L'idée est pour le moment de profiter encore de Cefalù avant de reprendre la route. <

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2 mai 2019

Routes E45/E90

> Saisis par le charme intérieur de la cuisine qui donne sur un petit jardin, nous discutons avec notre hôte de la vie en Sicile, du coin, des routes. C'est lui qui prépare le petit-déjeuner. Le soleil donne espoir, toujours, mais les données météorologiques recoupées sur internet annoncent un long passage pluvieux. Faire un deuxième choix de direction : poursuivre par le nord de l'île et rejoindre la grande ville, virer plutôt vers le sud. Nous optons pour Cefalù et Palermo. Je sais que la route apaise le voyage et que les défilements emmènent avec eux les doutes, j'en ai une certaine expérience. La route côtière E45 jusqu'à Messine offre un panorama sur Reggio de Calabre, la pointe de la botte. L'autre désignée E90 fait bifurquer vers l'ouest. La pause méridionale s'improvise face à la mer Tyrrhénienne, un horizon ponctué des silhouettes des volcans de l'archipel Isole Eolie : Stromboli, Panarea et Vulcano qui cachent les autres. Bouledogre aura vu des volcans. Un car vient de déposer des adolescents bavards, trois policiers discutent autour d'un café. Par la suite, chacun se concentre sur soi sous l'hypnose d'une quatre-voies rythmée de tunnels plus ou moins longs. J'adore ces trajets qui nous lient silencieux. Les derniers opus d'Apparat, Feu! Chatterton et Bertrand Belin remplissent le vide. Nous choisirons notre hôtel à Cefalù à la terrasse d'un bar à l'aide du WI-FI. <

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1 mai 2019

De Charybde en Scylla

> Cette tension qui crée la brisure, rien de mieux qu'une déroute en voiture pour l'exacerber, une erreur d'appréciation sur le temps et le but, oui sans doute, mais le terme "déroute" me paraît mieux appliquer à ces situations. Je voulais me perdre sur la voie côtière pour rejoindre la fameuse Taormina. Exprès, je m'embourbe dans des sinuosités imprécises pour atteindre la Riviera Dei Ciclopi qui s'avère alors repoussante. Polyphème éructe en nous tous. Filons en droiture sur cette cité de villégiature perchée à 200 mètres d'altitude au-dessus de la mer. Nous sommes prévenus de ce qui nous y attendrait en pleine saison, sauf que nous sommes le premier mai et cela revient au même. Une paradoxale agonie commence sur cette route qui se conclue forcément par une file de voitures que doivent dévorer des parkings souterrains ou en silos, la masse nous attend.

Que reste-t-il donc de Tauroménium ? Et du Taormina de Goethe ? Je ne devine au travers de la masse que des boutiques variées mais monotypées, je reconnais l'escalier aux marches colorées que tout le monde poste sur son compte Instagram, je comprends la nervosité de l'après-midi, j'assiste M. dans ses détours, je tente de comprendre ce qui est prisé ici. Une réputation, une situation singulière entre le volcan et le rivage, une mode ? Il est navrant de ne pas réussir à deviner les perles bâties dans ce capharnaüm, je n'en garde presque aucun souvenir hormis la place de la cathédrale, sa fontaine et le belvédère de l'autre Piazza. L'obstination égaie la fin d'après-midi. Poursuivant vers le théâtre antique, nous découvrons un dédale apaisant, remontons la rue ombragée qui dissimule des percées sur un panorama impressionnant. L'édifice, l'un des plus spacieux du monde antique selon internet, l'un des mieux préservés aussi, est superbe. Il se pare de perspectives nombreuses vers le large  le Stretto di Isola Bella paraît bien fade pourtant , vers le Monte Tauro, vers la baie de Naxos. Le temps s'arrête un peu et nous photographions les rayons de soleil qui se concentrent sur des toitures de ci de là.

La route E45 nous conduit à Santa Teresa di Riva, halte improbable mais nécessaire pour dormir. Le propriétaire du Bed-&-Breakfast nous confie la maison à un étage. Une perturbante rencontre sur le trottoir nous glace. Le restaurant est démodé. Demain est un autre jour. <

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1 mai 2019

Catania, la pudique

> Hier au soir, en cours d'un marathon motivé par les repas, nous croisons un requin sur un panneau publicitaire, puis poursuivons dans la petite via Paternò. Lors de tourner à droite, nous découvrons une placette qui nous servira plus tard de repli mérité, mais nous continuons au cas où, parce qu'à ce moment précis, nous ne sommes pas tout à fait sûrs de nos choix et de nos routes. Le profil du centre se dégage doucement ; il est mardi soir. Le bar à vin de la via Montesano et les éclairages urbains nous reposent. Des locaux sont mêlés à des étrangers. M. ne s'impatiente pas trop, il est dehors où vibre une énergie propre à ces latitudes.

Jour cristallisé par le mouvement des travailleurs du 19e siècle  nous manquons ce fameux marché aux poissons , mais la ville n'en perd pas pour autant ses charmes. Dans le dédale que nous n'avons pas préalablement étudié, nous arpentons diverses rues bornées de façades polluées ou Renaissance. La Piazza Vincenzo Bellini parée de soleil nous impressionne avec son théâtre inauguré en 1890 en hommage au compositeur. Il est temps de retrouver le flux quotidien touristique et d'atteindre la Piazza del Duomo qui brasse du monde. L'éléphant noir en basalte date de la période antique, il est surmonté d'un obélisque rapporté d'Egypte et assemblé par un sculpteur en 1737 en tant que Fontana dell'Elefante. Nous comprenons le plan marketing du tourisme en Sicile : la visite des lieux de culte. La mer et le port ne sont pas loin, mais on s'en détourne. Une autre place finement dessinée suite au séisme de 1693  la Piazza Giuseppe Mazzini dont les arcades en terrasse sont soutenues par des colonnes antiques recyclées  mène à ce café bien senti. Le voyage se base sur des pauses revitalisantes et uniques ; nous dégustons nos deux caffè lungo en observant que Bouledogre est devenu notre quatrième compagnon. Le lieu nous correspond, il n'est plus rare de penser comme cela. Du château, nous gagnons sous une chaleur plus pressante le théâtre antique et les rues parsemées d'édifices baroques (Arco di San Benedetto, Chiesa di San Francesco Borgia, Chiesa San Giuliano) jusqu'aux escaliers de la via Crociferi. La boucle est bouclé, nous avons compris le centre de la ville, mais à quoi peut bien ressembler le trois-quart restant ? Nous optons pour filer vers le nord. <

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